Certains auraient tout donné. Pour vivre dans un monde où les femmes affichaient cet air coincé et où les hommes étaient destinés à fumer le cigare en parlant de la bourse. Être enfant dans un monde comme celui-là, c'est ne jamais passer par la case enfance, c'est vivre entouré de banquier et de crise économique. L'air sérieux d'un gosse de riche c'est comme l'air hautain d'un adulte à la tête d'enfant. On nous apprend à vivre avec ceux qui nous sont profitables et l'art de manipuler s'apprend comme on apprend à couper sa viande. Certains auraient tout donné, moi j'en ai pas eu besoin et ça, qu'est-ce que c'est bon. J'ai eu tout ce que je voulais, à sept ans j'ai reçu ce train électrique et à dix-huit, j'avais ma propre voiture. Je créais ma vie quelque part pour qu'on me la retire douze ans après. Mais j'étais content. Passer de Cannes à Paris, c'était différent. J'appréciais la pollution d'une grande ville en oubliant l'air marin et je rencontrais la beauté parisienne pour créer des amitiés plus soudées qu'en douze ans de vie. Je devenais un homme, un vrai entre les cuisses d'une fille croisée à l'arrière d'un bar. L'argent nous permet d'avoir tout, mais il faut simplement le gérer. J'ai oublié cette partie-là. Quand on me proposait un voyage, mes yeux brillaient d'une lueur et l'école s'effaçait pour ne penser qu'à la destination qui allait, une fois de plus, m'accueillir. C'était cool de voyager, mais le Lycée ne voyait pas ça du même œil. On voulait m'expulser, montrer sa supériorité. Mon père n'avait pas manqué de glisser un billet dans la poche du directeur et l'affaire était oubliée. Être riche, c'était régler ses problèmes de la manière la plus simple possible : l'argent. Plus je grandissais, plus je comprenais qu'il fallait que je fasse en sorte de m'en sortir, pour ne pas perdre cette routine si caractéristique d'un gosse de riche. Je ne pouvais pas changer, je n'en avais pas besoin. Tout le monde est pareil ou pire. Il faut juste tomber sur les bonnes personnes qui même dans un monde construit de toute part ne vous laisseront pas tomber. Moi j'ai Roxanne et puis Cadence. Les deux valent plus que ce que je n'aurais jamais. C'était nous trois contre tous. Traîner avec nous c'était accepter des vannes pourries et notre humour de cons. Notre supériorité, aussi. J'avais envie de passer ma vie à leurs côtés sans penser au futur ou à une séparation. J'aurais dû m'y préparer. La rupture a été brutale, baccalauréat dans la poche et déchirante fin. Je me retrouvais séparé d'elles et mon plus grand pincement au cœur était lorsque la tête blonde de Roxanne m'avait fait un dernier signe. Un an. Sans la voir, en imaginant d'autres garçons dans son lit, soupire et poings serrés. Je n'avais aucune idée de la manière dont j'allais devoir vivre ça et la solution me paraissait évidente. Travailler. Travailler jusqu'à en avoir par-dessus la tête et oublier ce minuscule sentiment qui naissait au creux de mon cœur. Je croyais avoir trouver une fille, aussi. Mais j'en étais incapable. Mon amour était incapable d'être destiné à la mauvaise fille et je préférais reprendre l'affaire familiale plutôt que de penser à tomber amoureux. Mes sentiments commençaient à s'enfouir au plus profond de moi-même, faisant ressortir mes traits de caractères les plus affreux. Je ne luttais plus.

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